Par Mira Rivest-Trudel
Le soir tombe. Dehors, le vent automnal fait virevolter squelettes en plastique, draps blancs évoquant des fantômes et autres décorations qui ornent l’entrée des maisons. Bien à l’abri sous une couverture, une montagne de friandises à portée de main, vous vous blottissez devant un bon vieux film d’horreur. Au cours des deux prochaines heures, vous espérez sans doute sursauter à quelques reprises et récolter certaines images terrifiantes qui alimenteront un ou deux cauchemars.
Et si ce petit moment de frayeur était aussi l’occasion d’explorer un enjeu de société ou une revendication sociale? Comme le souligne François Lévesque, critique de cinéma au journal Le Devoir : «…le cinéma d’horreur n’a pas son pareil pour révéler les craintes et les angoisses du monde à un moment X. »
Voici quelques suggestions de films d’horreur qui vous glaceront le sang tout en vous faisant réfléchir à divers enjeux sociaux.
Une dénonciation du racisme dans Get Out (États-Unis, 2017)
Chris (Daniel Kaluuya), un photographe noir en couple avec Rose (Allison Williams), une étudiante blanche, passe quelques jours chez ses beaux-parents (Catherine Keener et Bradley Whitford) dans leur opulente résidence en banlieue isolée. Malgré l’hospitalité appuyée de ses hôtes, le jeune homme sent rapidement que quelque chose ne tourne pas rond. Commentaires déplacés au sujet de personnes racisées célèbres, rencontre de serviteurs noirs (Betty Gabriel et Marcus Henders) qui semblent avoir subi un lavage de cerveau, vente aux enchères macabre : tous ces événements lugubres pousseront Chris vers une finale où il devra impérativement sortir de cette maison pour sauver sa peau.
Ce film du réalisateur afro-américain Jordan Peele dénonce avec éloquence l’horreur du racisme envers les personnes noires. Celui-ci se manifeste tantôt par un mépris ordinaire, empreint d’une bienveillance feinte, tantôt par un violent refus d’abandonner certains privilèges. Get Out présente aussi une prise de parole de la communauté noire dans le cinéma de genre.
L’émancipation féminine dans Midsommar (États-Unis, Suède, 2019)
Rien ne va plus entre Dani (Florence Pugh) et Christian (Jack Reynor), un jeune couple. La première trouve que son amoureux est émotionnellement distant avec elle; le second a secrètement l’intention de mettre fin à la relation. Alors que Dani perd ses parents et sa sœur dans des circonstances traumatisantes, Christian se sent obligé de l’inviter à se joindre à ses amis et lui pour un voyage dans la campagne suédoise, où ils se rendront à un festival célébrant le solstice d’été. Une fois sur place, le groupe fait la rencontre des membres du village participant au festival, tous vêtus de façon identique. Au fil de sacrifices humains et autres rituels choquants auxquels ils devront participer, Dani, Christian et ses amis se rendront vite compte de la nature profondément sordide de ce festival.
Pourtant, à mesure que l’histoire se développe, Dani trouve parmi les membres du lugubre village le soutien émotionnel qu’elle estime ne pas recevoir de son amoureux. En jouant un rôle de plus en plus prégnant au cours de ce culte païen sanglant, elle s’affirmera et s’émancipera de sa relation malheureuse. Dans Midsommar, le réalisateur Ari Aster donne une nouvelle couleur au gore : celle du féminisme.
Brain Freeze et la déchéance climatique (Québec, 2021)
Présentement à l’affiche, Brain Freeze raconte l’histoire d’une petite ville dont les habitants souhaitent voir leur club de golf ouvert toute l’année. La direction du club conclut donc un contrat avec une multinationale assoiffée de profit pour que celle-ci modifie génétiquement son gazon, afin que tous puissent pratiquer ce sport même en hiver. Effet secondaire inattendu : un fertilisant utilisé pour préserver le gazon se propage peu à peu dans l’eau de la ville, et transforme ses habitants en mutants. Un garçon de treize ans (Iani Bédard) et un gardien de sécurité dans la cinquantaine (Roy Dupuis) se lancent alors dans une enquête afin de stopper cette épidémie et de sauver la petite sœur du garçon, un bébé aussi devenu mort-vivant.
Recyclant un sous-genre chéri du cinéma d’horreur, soit le film de zombies, Brain Freeze utilise celui-ci comme point de départ à une réflexion sur les changements climatiques et leurs conséquences inévitables sur les humains. Le réalisateur Julien Knafo se sert aussi de la caricature et de l’humour noir pour dénoncer une société des loisirs qui souhaite entretenir son confort à tout prix. Après avoir tenté le diable en frayant avec un capitalisme extrême, les personnages du film en subissent les conséquences inéluctables à travers une épidémie de morts-vivants, clin d’œil doux-amer à la pandémie de COVID-19.