Séisme au Maroc : « Je ne peux pas rester à ne rien faire »

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Par Déborah St-Victor

Le tremblement de terre qui a secoué le Maroc le vendredi 8 septembre dernier a fait plus de 2900 morts et 5600 blessés, causant d’importants dommages dans le sud-ouest de Marrakech. Des villages ont été soufflés par le séisme et des familles ont complètement perdu leurs maisons. Devant pareille tragédie, des Marocains épargnés, mais ayant le cœur gros, ne pouvaient demeurer insensibles.

Les gens étaient nombreux à organiser
l’aide aux sinistrés. 
Photo : Abderrahim Raki 

Alors que de nombreuses organisations d’aide humanitaire ont lancé un appel de fonds afin de soutenir les opérations de secours en sol marocain, des initiatives personnelles sont prises par des citoyens marocains pour venir en aide aux sinistrés. 

« Dans certaines zones isolées, les habitants sont livrés à eux-mêmes », affirme Abderrahim Raki, qui vit à Casablanca à environ 233 km de l’épicentre du séisme. 

Dans les jours suivant les secousses, une véritable course contre la montre s’est enclenchée dans son quartier pour répondre aux besoins fondamentaux de la population qui a survécu à la catastrophe.  « L’idée de collecter des fonds et des dons pour aider ces victimes m’est d’abord venue et ensuite quelques amis proches m’ont épaulé », explique-t-il. 

« Allons-nous rester les bras croisés? ai-je demandé à mon ami. » – Muhammad Ratrouti

« De telles tristes circonstances ont éveillé en moi une profonde émotion. Je me suis senti profondément touché par ce qui se passait dans les montagnes. Je ne pouvais pas rester à ne rien faire », lance Muhammad Ratrouti, un professeur d’économie qui vit dans le même quartier que M. Raki.

Les enfants ont donné généreusement. 
Photo : Abderrahim Raki 

Avec eux, près d’une trentaine de personnes s’activent à cette campagne, se sentant toutes dans l’obligation de prêter main-forte. 

Crouler sous les dons

Abderrahim , Muhammad, leur ami Younis Benjdia et d’autres bénévoles sont rapides à mettre en place un petit entrepôt situé à Sidi Maârouf, un quartier d’affaires casablancais destiné à recueillir des dons pour les sinistrés.

« Nos proches et nos amis inquiets ont vite afflué dans notre entrepôt pour savoir comment ils pouvaient aider, conscients du sentiment d’urgence », explique Muhammad Ratrouti. 

Collecte de dons à Casablanca.
Photo : Abderrahim Raki 

« Il est important qu’on les prenne en charge rapidement.  Les conditions climatiques sont très rudes dans les chaînes montagneuses du Haut Atlas et l’hiver arrive », lance M. Raki.

Trois jours suffisent pour que l’entrepôt croule sous le poids de vêtements, de chaussures, de couches, de la literie, de matelas, d’équipements de sauvetage, de tentes et de denrées non périssables », raconte fièrement le professeur d’économie. 

Younis Benjdia, qui participe également à cette campagne de dons, se dit « ému et fier de voir autant de gens issus de toutes les couches sociales prêter main-forte aux victimes du séisme ». 

« La religion islamique nous ordonne d’aider nos frères, dit-il. Mais là, c’est extrêmement touchant et ça fait chaud au cœur de voir mon peuple répondre activement à l’appel d’aider nos frères touchés par le tremblement de terre », lance-t-il. 

Abderrahim Raki, lui, avoue ne pas avoir pu retenir ses larmes devant cet élan de solidarité, impatient de pouvoir redistribuer ce que ses amis et lui ont amassé en 72 heures. Toutes ces ressources sont acheminées vers la ville de Taroudant, dans le sud du Maroc, l’une des zones les plus touchées par le séisme.

Des vêtements acheminés à Taroudant.
Photo : Abderrahim Raki 

La distribution, une corvée

Des villages les plus proches de l’épicentre du séisme restent toujours inaccessibles en raison d’éboulements.

Les trois amis et leur équipe prennent donc des risques pour se rendre à Taroudant. 

Abderrahim Raki rappelle qu’il est très difficile d’acheminer l’aide dans ces zones montagneuses accidentées à cause de l’absence de bonnes routes et du manque d’infrastructures au cœur du Haut Atlas. 

« Nous avions peur que des secousses soudaines puissent mettre nos vies en danger, alors que nous étions dans les villages environnants l’épicentre du séisme qui ont été le plus fortement touchés. Ce qui a accentué notre sentiment d’angoisse », explique le Casablancais.

« Des problèmes d’hébergement dans les montagnes nous ont aussi ralentis, raconte à son tour Younis Benjdia. Parfois, nous n’avions pas d’autre choix que de dormir en plein air à même le sol. D’autres aidants dormaient dans leurs voitures. » 

« La fatigue, le froid en altitude, le manque de sommeil et les difficultés auxquelles nous avons été confrontés n’ont pas rendu notre tâche facile, ajoute-t-il. Mais nous étions déterminés à aider nos compatriotes. »

« Nous n’avions pas d’autre choix que de
dormir à l’air libre. » Photo : Abderrahim Raki

« Je n’oublierai jamais »

Une fois arrivé à Taroudant, après un voyage de 475 kilomètres, la réalité était indescriptible, selon M. Raki, qui constate vite l’ampleur des dégâts matériels dans cette région.  « L’inquiétude se lisait sur les visages de nombreux survivants qui ont improvisé des abris de fortune », précise-t-il.

D’après l’agence UNICEF, environ 100 000 enfants ont été affectés par le tremblement de terre au Maroc, où ce groupe d’âge représente près d’un tiers de la population. 

« C’est une fierté de contribuer à apporter un sourire sur les visages des enfants, des femmes ou des hommes. » – Muhammad Ratrouti

« Le regard des enfants victimes du séisme était à la fois poignant et rempli d’espoir », témoigne de son côté Muhammad Ratrouti, ajoutant qu’il n’oubliera jamais cette expérience.  « Nous sommes maintenant encore plus conscients que ces villages ont besoin d’une telle aide, même en l’absence de séisme en raison de la situation économique initiale de la région », souligne-t-il. 

Pour sa part, M. Raki ne manque pas de citer une sourate coranique exhortant d’apporter son aide pour apaiser les difficultés des gens.  « C’est un devoir d’apporter son soutien. La vie est plus facile si chacun prend à cœur d’aider son prochain », conclut-il. 

« C’est un sentiment de fierté que de venir en aide
à vos frères », témoigne Abderrahim Raki.
Photo : Abderrahim Raki 

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