Sandrine Staco : quand une passion devient un gagne-pain

Culture et sociétéSociété

Par Déborah St-Victor

Portrait 4 du Mois de l’histoire des Noirs

« Ce n’est pas réaliste de suggérer à un(e) Haïtien(ne) de ne plus manger de riz ou de plantains ! Il n’y a pas de bons ou de mauvais aliments. Oui, certains aliments sont plus nutritifs que d’autres, mais tous les aliments ont leur place ! Il faut adapter le plan de traitement nutritionnel de chaque client en fonction de ces aliments. »

La nutritionniste-diététiste Sandrine Staco (source: Faculté de médecine, UdeM).

Ce cri du cœur est celui d’une jeune femme de 26 ans d’origine haïtienne à ses collègues nutritionnistes-diététistes du Québec. Sandrine Staco s’intéresse particulièrement à l’alimentation culturelle et se fixe l’objectif louable de modifier la vision de la nourriture saine afin qu’elle soit inclusive à toutes les cultures.

Sandrine Staco a décidé de faire de sa passion son gagne-pain. Aujourd’hui, elle est employée de l’entreprise Universi-D et touche à ce rêve un peu chaque jour en donnant des formations sur le diabète aux professionnels de la santé. Elle travaille aussi à son compte comme conférencière et offre des cours de nutrition de groupe.

Son zèle admirable rayonne surtout sur sa page Instagram The Colorful Nutritionist où elle publie régulièrement du contenu éducationnel très coloré en quatre langues (français, anglais, créole haïtien et espagnol). Son blogue est comme une table bien garnie où « la nourriture est beaucoup plus que juste de la nourriture ». Sandrine Staco invite à goûter toute la fraîcheur de la gastronomie afro-antillaise.

Dans une de ses publications, Sandrine incite aussi ses compatriotes à « manger local ». Un immigrant, par exemple, n’a pas à choisir entre acheter des produits maraîchers et manger ses aliments culturels. L’ocra, la patate douce, les feuilles d’amarante (lalo en créole haïtien), des variétés de piments forts et de courges sont cultivées au Québec.

L’assiette équilibrée (version haïtienne) de Sandrine Staco (source: Instagram @thecolorfulnutritionist).

Sur son compte Instagram, elle partage sa nouvelle version de l’assiette haïtienne équilibrée pour aider ses compatriotes à mieux préparer leurs repas. Elle parle du savoureux « legim » haïtien, un plat traditionnel composé entre autres de choux, d’aubergines, de carottes, de poivrons, d’épinards et de morceaux de bœuf tendre, assaisonné à la perfection. Ou encore de la confiture de pomelo (chadèk en créole haïtien) qui lui rappelle sa grand-mère chérie devant sa cuisinière.

« C’est par la cuisine qu’un immigrant fera vivre sa culture d’origine. […] Il y a certains aspects de la culture maternelle qu’on perd tout de suite. Avec la nourriture, il y a plus d’occasions de garder un lien à la mémoire, à la famille et au lieu. »

La nutritionniste-diététiste ne le répétera jamais assez. Elle fait ainsi voyager dans le temps, dans un autre pays et permet aux gens de se connecter avec leurs ancêtres. Sur les réseaux sociaux, elle donne également des conseils pour bien évaluer l’état de santé d’une personne, en ne se limitant pas à son poids.

En ce moment, la diplômée de l’Université de Montréal se donne principalement la mission d’encourager le plus de jeunes Noirs possible à suivre ses traces, dans un programme où ils pensent à tort ne pas avoir d’avenir. « De nombreuses mains rendent la charge plus légère », dit le proverbe créole. Sandrine leur enjoint ainsi de venir lui prêter main-forte, car au Québec, une réalité s’impose.

Il y a un important travail de sensibilisation à poursuivre afin que la profession soit un reflet de la population québécoise. Les habitudes alimentaires varient considérablement dans le monde entier. « Pour manger avec plaisir, il faut avoir une alimentation équilibrée qui reflète ses préférences façonnées par les traditions alimentaires, dit Sandrine. Les nutritionnistes qui ont une bonne sensibilité culturelle les respectent lorsqu’ils conseillent leurs clients. » Pour aider ces nutritionnistes qui désirent améliorer leurs compétences culturelles et mieux servir une population diversifiée, la diplômée de l’Université de Montréal souhaite donner, dans le futur, des formations en ligne.

Après le cégep, successivement, c’est à deux reprises qu’elle tente de s’inscrire au programme. Première demande, refus. Deuxième : liste d’attente. « La persévérance porte ses fruits. » Sandrine est encore plus convaincue de la véracité de ces paroles.

La page Instagram de Sandrine Staco (source: instagram: @thecolorfulnutritionist).

Aujourd’hui, le mot « reconnaissance » revient plusieurs fois lorsqu’elle mentionne trois nutritionnistes issues de la communauté noire. Einrika, Julia et Muriel, des alliées précieuses, ont été pour elle des mentores après son baccalauréat. Il faut en effet fréquenter des passionnées de la nutrition pour devenir soi-même passionnée. En entrevue, elle souligne aussi l’important rôle joué par ses parents et son amoureux tout au long de ses études universitaires.

Sandrine Staco est sans aucun doute un visage inspirant dans le domaine de la santé ! Elle continuera de mettre sa main sur son cœur en citant sa fameuse devise: « Arrêtons de faire des versions santé de repas culturels, ce n’est pas nécessaire ! » Visiblement, son métier lui tient à cœur ! Fait intéressant : à l’école primaire, elle rêvait de devenir actrice…

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