Quand les universitaires se réapproprient le mouvement Queer

JOU2400Les nouvelles sexualités

Par Lisa Lasselin

Dans les 4 universités de Montréal, les différentes associations LGBTQ+ ne donnent pas la même définition au terme Queer. Certaines incluront dedans uniquement les personnes LGBT, d’autres les transsexuels, ou les gens plus marginalisés.

Inclure toujours plus de monde, et permettre à toutes les personnes hors-standards de trouver leur place, voilà le but de ces associations LGBTQ+ des quatre universités de Montréal : l’UdeM (Université de Montréal), L’Uqam (Université du Québec à Montréal), Concordia et McGill.

L’année dernière, des subventions notables ont été attribuées à des professeurs, comme à l’Uqam, où 2,5 millions de dollars ont été attribués à une équipe de recherche sur l’inclusion et l’exclusion des personnes LGBTQ. Voici une preuve que dans les universités, il règne une volonté de travailler sur les discriminations que subissent les étudiants à l’orientation sexuelle et aux genres allant à contre-courant des « normes ». Nous nous sommes demandés si Queer rimait avec LGBT, ou s’il fallait faire une stricte distinction. Les membres des associations de ces quatre universités ont accepté de répondre à nos questions.

McGill, 2 associations, 2 luttes, 1 but

Respecter les différences avant toute chose, c’est le mot d’ordre des associations universitaires pour la défense des droits LGBTQ+. On trouve dans ces universités une volonté d’aider les étudiants marginalisés, et de créer un endroit où ils seront écoutés et compris.  En longeant les couloirs du bâtiment « Société des étudiants » de l’université McGill, on peut voir affichés sur les murs les mots « safe space », nous indiquant que nous sommes dans un endroit sécuritaire où les gens vous entourant ne vous jugeront pas sur vos différences, ou du moins ne les opprimeront pas.

Un reportage vidéo de Lisa Lasselin

Arrivés au 3e étage, nous tombons sur un long couloir où siègent les différentes associations étudiantes allant de la lutte contre le racisme aux services de repas véganes gratuits. C’est là que nous rencontrons Nolwenn, membre des 2 associations investies dans les luttes LGBTQ de McGill : « Queer McGill » et « The Union for Gender Empowerment ». Nolwenn s’identifie comme personne non-binaire, et, nous a demandé d’utiliser un pronom neutre, nous utiliserons donc iel.

« [être Queer] c’est le fait de choisir ses partenaires d’une façon qui déplait à la société et pour lesquels on va recevoir de l’opposition… » Nolwenn, étudiant.e en anthropologie– de l’Université McGill.

Ainsi, iel nous explique que Queer McGill a vocation de s’occuper des luttes LGBT en général, et que l’autre association milite pour le féminisme et a pour devoir de servir les gens marginalisés. Dans le fond leurs actions sont pratiquement les mêmes, apporter des services de soutien aux étudiants qui combattent pour la reconnaissance de leur sexe, de leur genre, ou de leur orientation sexuelle. L’existence de ces 2 associations résulte simplement d’un fait historique.

Selon Nolwenn, il existe par exemple certaines personnes transsexuelles ou non-binaires qui ne s’identifient pas à travers le mouvement Queer de McGill, dans le sens où elles n’ont pas les mêmes luttes que les communautés LGBT. Nous avons demandé à Nolwenn comment iel définit ce fameux acronyme Q. « [Être Queer] … ce n’est pas forcément avoir une indifférence par rapport à la personne avec qui on choisit de sortir et par rapport à un mot plus précis par exemple comme pansexuel, mais plutôt le fait de choisir ses partenaires d’une façon qui déplait à la société et pour lesquels on va recevoir de l’opposition ». Néanmoins l’étudiant.e concède que la définition peut être étendue, dépendamment des gens.

À Concordia, les LGBTQ+ tous derrière le nom Queer

À l’inverse de McGill, l’université Concordia n’a qu’une seule association qui regroupe toutes les communautés LGBTQ+, sous le nom de « Queer Concordia ». Nous avons rencontré Grégory, membre de cette association et étudiant en journalisme et en « gender studies ». Il se définit à la fois comme homosexuel et Queer, selon sa définition à lui : « Dans le sens que le mot Queer est un mot parapluie, pour tout ce qui est LGBT et tout ce qui n’est pas nécessairement couvert par ces acronymes LGBT ». Le rôle de son association : couvrir une palette la plus large possible de gens « différents » de par leur orientation sexuelle ou leur genre. Comme le souligne l’étudiant en journalisme, en ayant un cadre plus large, le travail de l’association est plus efficace. « Notre objectif principal est d’agir en tant que centre de ressources pour LGBTQ, et de fournir des conseils sur les pratiques sexuelles saines, les médecins adaptés, les aider lors d’une transition hormonale pour un changement de sexe, et en les aidant à trouver ces professionnels médicaux, et aussi les endroits où dit « gay friendly » où ils pourraient travailler, ou sortir, en fait n’importe quel service social à médical, en passant par professionnel. » nous explique l’étudiant.

Les universités francophones se distinguent.

L’association « l’Alternative » de l’UdeM et « La Réclame » de l’UQAM regroupent chacune des communautés LGBTQ+.

Roxane, membre de cette dernière, nous explique qui sont ces étudiants qui se revendiquent Queer et quel est l’intérêt de regrouper toutes les communautés. « Depuis notre création il y a 4 ans, Q pour « Queer » a fait partie de notre acronyme. Beaucoup de membres ou d’utilisateurs, utilisatrices de nos services s’identifient au terme, et souvent ils et elles s’identifient aussi simultanément à d’autres identités comme gay, trans, non-binaire dans le genre, etc. Alors les enjeux entre LGBT et Q communiquent beaucoup. ». Mais certaines personnes peuvent ne pas s’identifier Queer, et donc inclure toutes les communautés sous un nom Queer pourrait ne pas sembler correct.

Théorie Queer, Butler, et Laverne Cox

Reste que nous ne pouvons pas évoquer ce sujet sans parler de la théorie Queer. Face à ce thème en vogue, il existe de nombreuses recherches, et, parmi les plus connues il y a celle de Judith Butler, célèbre sociologue américaine. Pour parler de cette théorie Queer nous avons rencontré Ersi Contogouris, professeure spécialisée en approches féministes et Queer à l’université de Montréal.

« [Queer] c’est aussi une attitude d’ouverture et de refus des conventions, refus de se faire amener une norme. » Ersy Contogouris-professeur en approches féministes et Queer à l’Université de Montréal.

D’après elle, Queer découle d’une attitude, sur l’idée que le genre n’existe pas, qu’il est une construction, et que, par conséquent, on ne peut pas vraiment définir l’attraction ou la sexualité comme vraiment fixe, si l’on suit Butler. «Le mouvement Queer vient du féminisme, il veut une ouverture et une absence de définition. On peut se définir de la façon qu’on veut, mais si on suit ce que dit Butler, c’est le fait de refuser une définition, de refuser une identité qui est stable et fixe. C’est aussi une attitude d’ouverture et de refus des conventions, de se faire amener une norme. On a vu qu’il n’y a pas seulement les catégories LGBT, qui sont quand même assez restrictives. Là, ce qu’on commence à voir c’est des mouvements qui sont autres, qui sont intersexes, tous ces nouveaux acronymes qui font leurs places. » ajoute la professeure de l’UdeM.

Libre à chacun de se définir comme il le souhaite. Il semble que le mouvement Queer permette d’inclure plus de personnes qui vivent leurs sexualités ou leur genre différemment de ce qu’on considère généralement comme les normes. Les normes, qui sont souvent culturelles, apparaissent et changent. On a pu voir que l’homosexualité, est devenue pour un grand nombre de personnes quelque chose qui n’est plus hors-norme. Depuis des années on voit que des acteurs, des chanteurs, des présentateurs télé homosexuels font régulièrement leur coming-out. Nous pensons par exemple à Laverne Cox, actrice noire et transgenre jouant dans la série « Orange is the new black ». Alors, on dirait peu à peu que les autres différences essaient elles aussi de crier leur existence, en espérant être acceptées comme toutes les autres dans la société. Société qui démarre dans les universités, dans les écoles, où on peut apprendre à faire de l’espace pour les différences : une clé essentielle du vivre ensemble.

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