Par Katy Ramos-Borges
Entretien avec Élise Desaulniers, directrice générale de la Société pour la prévention de la cruauté envers les animaux (SPCA)
Que ce soit pour se maintenir en bonne santé ou pour des questions éthiques ou morales, le véganisme prend davantage de place dans les habitudes alimentaires des Québécois. Selon Radio-Canada, les protéines végétales « sont de plus en plus populaires » et le marché mondial de ces dernières « pourrait atteindre une valeur de 182 milliards $ en 2035 ». Dans le cadre de la Journée mondiale du véganisme qui est célébrée tous les 1er novembre et du Festival végane de Montréal qui aura lieu le 6 novembre prochain, l’équipe du Reporter+ est allée à la rencontre d’Élise Desaulniers, directrice générale de la SPCA, militante végane et autrice de plusieurs ouvrages dont Le défi végane 21 jours (2016) et Vaches à lait (2013) pour connaître l’état du véganisme au Québec.
En 2018, vous écriviez que le mouvement végane prenait du galon au Québec, vous qualifiiez même le mouvement à l’époque de « Révolution tranquille ». Depuis, Greta Thunberg est venue nous rendre visite au Québec lors de la marche mondiale pour le climat. Est-ce que sa venue a accéléré les changements des habitudes alimentaires des Québécois ?
La venue de Greta a accéléré la révolution qui était déjà en place. Par exemple, dans les institutions d’enseignement, on voit des choix véganes dans leurs menus, dans les groupes qui se disent progressistes aussi. De plus, on remarque que le véganisme est de plus en plus accepté, même dans le discours écologiste. Par exemple, le véganisme est souvent nommé comme un levier de la lutte contre les changements climatiques tandis qu’avant, il semblait y avoir une certaine séparation entre le mouvement pour les droits des animaux et le mouvement écologiste. Le véganisme n’est plus remis en question; c’est un outil qui est à la disposition de tout le monde pour réduire son empreinte écologique. Devenir végane, évidemment que ça reste un geste personnel et la lutte contre les changements climatiques ne sera pas gagnée seulement avec des gestes personnels, mais on comprend quand même que ça fait partie de la solution. Dans l’élimination de la consommation de protéines animales, il ne faut pas oublier […] l’industrie laitière qui est une grande source responsable des gaz à effet de serre. En revanche, quand on regarde la place des alternatives aux produits laitiers dans les supermarchés [et] dans les cafés, c’est révolutionnaire ! En dix ans, on voit que c’est de plus en plus répandu.
Par où commence-t-on quand on veut devenir végane ?
Il n’y pas d’approche universelle pour le véganisme, comme il n’y a pas d’approche universelle pour se mettre à faire de la course à pied ou pour apprendre une nouvelle langue. Ce qui est cependant universel, c’est de se donner le temps et de voir ça comme un apprentissage. Quand on commence à courir, on y va par intervalles, on court, ensuite on marche et ainsi de suite. Au début on trouve ça dur et après ça finit par devenir fun. Devenir végane, ça se fait aussi par étapes. Par exemple, on peut se dire: « Je vais essayer de manger végane un ou deux jours par semaine », ensuite on peut se dire : « Je vais essayer de manger végane tous les midis ou juste les soirs ou juste les fins de semaines ». On peut aussi commencer par intégrer des aliments véganes dans ses recettes préférées ou simplement essayer une nouvelle recette végane. Il ne faut surtout pas se laisser démotiver, ça se peut qu’on essaye une recette et que les enfants n’aimeront pas ça parce que le fromage qu’on a essayé goûte un peu le caoutchouc… Ça va arriver. Il faut se rattacher aux raisons [pour lesquelles] on le fait et se donner des chances, et ne pas oublier que l’alimentation c’est aussi social et une source de plaisir. Il ne faut pas perdre cela de vue. Les animaux et la planète n’ont pas besoin qu’on soit parfait tout le temps… [Il faut] se donner le droit à l’erreur. Le faire aussi avec ses amis et se donner des défis, ça aide. L’aspect santé est aussi à prendre en considération. Il n’y a pas beaucoup de gestes altruistes qu’on fait qui sont aussi bons pour nous que pour l’environnement.