Par Yan Brassard 

Quand il est arrivé à la Maison-Blanche, le monde retenait son souffle. Donald Trump était perçu comme un être narcissique, instable et incompétent. Ses promesses phares comme la construction d’un mur entre les États-Unis et le Mexique ou la réouverture des mines de charbon inquiétaient les militants antiracistes et les groupes environnementalistes. Un an après son investiture, les Américains se posent la question : a-t-il « rendu la grandeur à l’Amérique »? Retour sur une année parsemée de controverses.

Le président américain prête une oreille attentive aux gens les plus fortunés de son pays. (Photographie officielle de la Maison Blanche)

Dès l’annonce de sa candidature en juin 2015, Donald Trump prononçait ces mots en parlant des Mexicains illégaux : « They’re bringing drugs. They’re bringing crime. They’re rapists ». Le ton était donné. Sa première promesse était de construire un mur séparant les États-Unis avec le Mexique pour protéger les Américains contre les trafics de drogue et l’insécurité qui, selon lui, étaient importés par les Mexicains clandestins.

Rapidement questionné sur les coûts d’un tel mur, M. Trump s’en sortait en rétorquant qu’il refilera la facture au gouvernement mexicain. Qu’en est-il vraiment? En septembre dernier, les élus républicains de la Chambre des représentants se sont mis d’accord sur un plan de financement pour la construction du mur d’un montant de 10 milliards $.

Évidemment, tant et aussi longtemps que les discussions sur la renégociation de l’ALENA perdurent, la Maison-Blanche n’a d’autre choix que de financer elle-même ce mur. Afin de forcer les Mexicains à payer, il faudrait d’abord que le Congrès puisse imposer des droits compensatoires sur les importations de produits mexicains. C’est en effet le seul levier à la disposition de Donald Trump pour « refiler la facture ».

Un autre dossier qui a marqué l’attention est celui du « Muslim Ban ». En décembre 2015, l’équipe de campagne de M. Trump publiait un communiqué de presse dans lequel il annonçait une interdiction totale d’entrée aux États-Unis des citoyens de confession musulmane. Puis, le milliardaire a multiplié les déclarations incendiaires contre les musulmans : « I think Islam hates us », « We’re having problems with Muslims », « They’re sick people ».

Aussitôt élu, le candidat surnommé « Orange Man » s’est empressé de signer un décret pour mettre sa menace à exécution. Les ressortissants de l’Irak, la Syrie, la Libye, la Somalie, l’Iran, du Soudan et du Yémen étaient interdits d’entrée pour une durée de 90 jours. Mais le 28 janvier, le juge fédéral de l’État de New York Ann M. Donnelly censurait l’ordre exécutif du président. La raison? Les avocats de la Maison-Blanche étaient incapables de nier le caractère discriminatoire de cette politique, compte tenu des déclarations du président qui visaient clairement une communauté en particulier.

Après des démêlées judiciaires ayant duré toute l’année et la signature de deux nouvelles lois, la Cour suprême a finalement validé le dernier texte de loi le 4 décembre 2017. Or, la dernière version de la loi non censurée est beaucoup moins restrictive que ce qu’avait promis M. Trump lors de la campagne électorale! Elle inclut des pays non musulmans comme la Corée du Nord ou le Venezuela, alors que l’objectif initial était d’interdire l’entrée de musulmans au pays.

L’ironie est que l’Arabie saoudite, l’Afghanistan et le Pakistan, des pays d’où provenaient les terroristes du 11 Septembre, ne sont pas visés par l’interdiction. Ce sont tous des pays ayant une importante coopération militaire avec les Américains.

Croissance : le fait des politiques de M. Trump?

Malgré de multiples tentatives, le président finit l’année en ayant perdu symboliquement sa dernière bataille judiciaire. Une bataille qui a été marquée par une guerre sans merci contre l’un des piliers de la démocratie américaine : le système judiciaire. Depuis son élection, M. Trump tente systématiquement de décrédibiliser ceux qui le critiquent ou qui tentent, tant bien que mal, de l’obliger à rendre des comptes.

Depuis quelques semaines, inspiré par des chiffres positifs sur la croissance et le taux de chômage, M. Trump se vante d’avoir donné un second souffle à l’économie après deux mandats « catastrophiques » d’Obama. Qu’en est-il vraiment?

Avec une croissance de 3% au rythme annualisé en 2017, les Américains n’avaient pas vu une telle embellie depuis 2014. Pour vérifier si une telle croissance est le fait des politiques de M. Trump, le Diable est dans les détails.

Cette croissance est surtout attribuable à l’investissement privé (6%), dont la progression est liée aux équipements (+8,6%) et les droits de propriété intellectuelle (+4,3%). Ce que Trump omet de dire, c’est que les compagnies ayant porté vers le haut l’investissement privé sont dans les secteurs high tech : le GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon). Trump remerciera-il la Silicone Valley, cette région de Californie qui s’est fortement opposée à sa décision d’abroger DACA, le programme de travailleurs temporaires, ou encore opposée à son « Muslim ban »?

D’ailleurs, les experts se sont disputés sur les pertes économiques causées par la fin du programme DACA. Mis en place en 2012 dans la foulée des réformes d’Obama sur le système d’immigration, il a permis à plus de 800 000 immigrants en situation irrégulière de rester aux États-Unis sans être menacés d’expulsion.

Il se trouve que ces immigrants ne sont pas seulement des travailleurs, mais ils ont aussi fondé des petites entreprises locales. Selon un think tank de droite, l’institut Cato, l’abolition de ce programme coûterait 60 milliards $ au gouvernement fédéral et amputerait 280 milliards $ à la croissance sur les 10 prochaines années.

Une telle mesure, au lieu de créer de la croissance, pourrait faire mal à la classe moyenne américaine. Et ce programme, avec le plan de stimulus de 787 milliards $ voté sous l’administration Obama en février 2009, ont permis à l’économie américaine de se sortir de la crise de 2007-08.

« Make Our Planet Great Again »

Le retrait américain unilatéral de l’accord de Paris (la COP21) en juin 2017 a pris le monde par surprise. On se rappelle notamment du discours d’Emmanuel Macron, reprenant ironiquement le slogan de campagne de M. Trump : « Make Our Planet Great Again ». Pourtant, les États-Unis pouvaient devenir les chefs de file dans les énergies vertes qui doivent remplacer les énergies fossiles conventionnelles.

L’exemple de Tesla est pour le moins spectaculaire : en 2009, ils avaient eu droit à un prêt de 465 millions $ du département américain de l’Énergie dans le cadre du plan de stimulus voté par Obama. Cette subvention, longtemps dénoncée par l’opposition républicaine, s’est révélée payante. Cinq ans plus tard, le directeur des finances de la compagnie, Deepak Ahuja, annonçait le remboursement de ce prêt en puisant dans les fonds propres de l’entreprise.

Le retrait de Trump de l’accord de Paris de 2015 constitue une abdication au leadership moral que pourraient jouer les États-Unis sur la scène internationale avec l’aide de multinationales telles que Tesla.

D’autant plus que ces compagnies, participant au développement de nouvelles technologies comme l’intelligence artificielle ou permettant d’améliorer la fluidité des transports, créent les emplois de demain.

Donald Trump, loin de répondre aux craintes des Américains face à la mondialisation, tourne le dos à l’avenir et réinvestit dans des filières industrielles en déclin. Les mines de charbon en Oregon en sont un exemple. Les anciens ouvriers ayant perdu leur emploi depuis la fermeture de leur usine s’étaient sentis oubliés et humiliés lorsqu’Obama avait annoncé une législation visant leur fermeture définitive à la fin de son second mandat.

Pour le moment, bien que Trump ait renversé cette législation en février 2017, ces emplois ne reviennent pas. Les grandes compagnies se sont déjà tournées vers l’économie circulaire. Ils prédisent le déclin imminent du charbon, du pétrole et du gaz.

Au final, l’an 1 de Trump n’aura pas été celui de la grandeur retrouvée, mais bien celui du déclin tranquille. Un déclin sur le plan moral, politique et, dans une certaine mesure, économique.

Autres faits saillants de l’an 1 de Trump

  1. Dès le lendemain de l’inauguration de Trump le 21 janvier, le nouveau secrétaire de presse de la Maison-Blanche, Sean Spicer, accusait les médias de mentir sur la taille de la foule ayant assisté à l’inauguration. Cet événement fut le début d’une guerre contre les médias qui contre-disaient Donald Trump. CNN a été particulièrement la cible : durant de nombreuses conférences de presse, le président accusait leurs reporters de propager des « fake news », un terme qui s’est rapidement propagé dans le langage populaire pour dénoncer le soi-disant biais anti-Trump des « médias élitistes ».
  2. Le 25 mai 2017, dans le cadre d’un sommet de l’OTAN, Trump refuse de renouveler son engagement envers l’article 5 de l’organisation qui spécifie qu’une attaque contre un membre est une attaque contre tous les membres de l’alliance. Il maintient la ligne isolationniste qu’il avait défendu durant sa campagne présidentielle : ce n’est pas aux États-Unis de payer pour la défense des autres pays.
  3. Le 9 novembre 2017, lors d’une visite d’État en Chine, Donald Trump signe l’équivalent de 250 milliards $ de contrats avec son homologue chinois Xi Jinping. Ces contrats ne vont pas diminuer le solde commercial négatif des États-Unis envers la Chine, ce à quoi s’était pourtant engagé M. Trump avant son élection!
  4. M. Trump avait promis qu’il allait « drain the swamp », c’est-à-dire nettoyer Washington de son élite corrompue. Pourtant, il a formé un cabinet composé du plus grand nombre de milliardaires dans l’histoire des États-Unis. Son secrétaire au Trésor, Steve Mnuchin, a été banquier chez Goldman Sachs pendant plus de 17 ans! Son cabinet a notamment aboli le Bureau de la protection du consommateur contre la fraude financière (Consumer Financial Protection Bureau) qui servait à faciliter le regroupement de poursuites contre des institutions financières pour réduire les coûts légaux des citoyens victimes de fraude.

Le président a aussi aboli le Dodd-Frank Act, une législation mise en place sous Obama dans la foulée de la crise financière de 2007-08 qui visait à renverser la règle fiduciaire (fiduciary rule) obligeant les courtiers à agir dans le meilleur intérêt du client et non la poursuite du rendement le plus élevé à court terme pour les actionnaires. Cette abolition a fait le bonheur des lobbys financiers omniprésents à Washington qui faisaient pression sur la précédente administration. Une décision qui a de quoi décevoir ceux qui ont voté pour M. Trump afin qu’il sévisse contre l’élite de Washington

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