Par Déborah St-Victor
Portrait 1 du Mois de l’histoire des Noirs
Nom : Pape-Mamadou Sene
Titre : Résident en médecine interne à l’Université de Montréal
Fonction : Membre du conseil d’administration de la Société des sciences vasculaires du Québec (SSVQ)
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« Les parcours sans obstacles n’existent pas. Il n’y a pas de cheminement parfait ; peu importe les circonstances, vous pouvez y arriver à votre façon. »
Novembre 2004. 10 h 40. Accident majeur impliquant une camionnette et des piétons qui attendent à un arrêt d’autobus dans le quartier Côte-des-Neiges. Les images troublantes de la carcasse du véhicule témoignent de la violence de l’impact. Deux morts. Fractures multiples. Parmi les 7 survivants gravement blessés se trouve un adolescent de 12 ans : Pape-Mamadou Sene. À l’heure actuelle, il est un résident (stagiaire qui a terminé ses études et qui poursuit sa formation dans une spécialité médicale) exemplaire en médecine interne à l’Université de Montréal.
Ce terrible accident a failli lui coûter la vie… Bien que sa longue convalescence à l’hôpital Sainte-Justine et sa réadaptation physique l’aient retardé de deux ans dans son parcours scolaire au secondaire, elles n’ont pas eu raison de sa volonté de réussir ses études. Une fois remis et les deux pieds sur terre, le miraculé sénégalais entame un parcours de formation enrichissant, parsemé d’agréables surprises…
Pape-Mamadou avoue que, plus jeune, il ne pensait jamais devenir un professionnel de la santé. Personne dans son entourage ne l’était et il n’avait pas nécessairement grandi dans les conditions les plus favorables pour espérer étudier en sciences un jour. Il a grandi dans un quartier défavorisé avec une mère qui, seule, a élevé de peine et de misère ses trois enfants.
La destinée de ces jeunes issus de la communauté noire qui vivent longtemps dans ce type de secteur sans fréquenter l’école privée semble incertaine. Les données de Statistique Canada révélaient en 2016 que les jeunes femmes et jeunes hommes noirs âgés de 13 à 17 ans avaient une probabilité plus faible d’avoir complété un diplôme ou un grade d’études postsecondaires que leurs homologues dans le reste de la population au terme de 2016 .
Le milieu socio-économique défavorisé de certains réduit considérablement leurs chances d’obtenir un diplôme d’études secondaires, et encore plus de poursuivre une carrière en médecine.
Le 16 mai 2017 : une journée inoubliable
Dans le cas de Pape-Mamadou, c’est un collègue haïtien qui lui inspire en premier le désir d’étudier pour devenir pharmacien. Après quatre années, une nouvelle passion naît dans son cœur : la vocation de médecin le dévore comme un feu brûlant.
« Je suis tombé amoureux de la médecine lorsque je réalisais mes rotations de pharmacie à l’hôpital. J’ai rencontré plusieurs résidents qui m’ont donné le goût de faire ce qu’ils faisaient. Même si ce n’était pas prévu, j’ai décidé de faire le saut. », explique-t-il en entrevue.
Le 16 mai 2017 : quel jour inoubliable pour Pape-Mamadou ! Il se souvient encore de ce courriel lui annonçant que sa demande d’admission à la Faculté de médecine de l’Université de Montréal avait été acceptée ! Une agréable surprise — pour lui et sa mère. Ce soir-là, Pape-Mamadou s’est endormi tout heureux. Depuis, son but ultime : humaniser la médecine.
« Le bon médecin soigne la maladie ; le grand médecin soigne le patient qui a la maladie. » Il cite Sir William Osler, l’anatomopathologiste canadien, lorsqu’il parle de sa première mission. Pour Pape-Mamadou, la pratique de la médecine est très loin de la théorie. Les choix thérapeutiques dépendent des préférences du patient, de ses croyances, du lien de confiance développé entre lui et le personnel soignant. Ce qu’on capte dans les propos du jeune stagiaire, au-delà de son humanisme profond, c’est qu’il lui importe avant tout d’individualiser chacune de ses décisions thérapeutiques à chaque patient qui se trouve devant lui.
« Ce que Dieu a décidé, c’est ce qui se réalise. » – Proverbe sénégalais
Aujourd’hui, le brillant résident de 29 ans remercie chaleureusement son fidèle mentor, le Dr Warner Mampuya, cardiologue congolais, pour ses conseils généreux et son soutien actif. C’est le fer qui aiguise le fer. Pour aiguiser un couteau, on utilise un autre objet en fer.
Cette réalité rappelle le besoin d’avoir des gens d’expérience issus de la communauté noire qui développent une relation d’échange avec les mentorés afin de les aider à atteindre leurs objectifs professionnels et une évolution positive de leur carrière en médecine. Pape-Mamadou est sans aucun doute parmi ces fiers visages inspirants en santé.
« Les parcours sans obstacles n’existent pas, rappelle-t-il aux jeunes qui aspirent à étudier en sciences de la santé. Il n’y a pas de cheminement parfait ; peu importe les circonstances, vous pouvez y arriver à votre façon. » Il prend son rôle de mentor à cœur.
Bilan : le destin de l’homme existe, certes… et les agréables surprises de la vie également ! « Ce que Dieu a décidé, c’est ce qui se réalise. », dit le proverbe sénégalais.