Une langue conservée contre vents et marées

Par Marie Yanick Dutelly

375 ans ! Âge vénérable pour notre belle ville de Montréal, la plus grande agglomération de francophones des Amériques, suivie par Port-au-Prince, capitale d’Haïti, république noire des Caraïbes. Et Montréal veut fêter cet anniversaire avec grand éclat, déclamant sa francophonie sur tous les tons. Un pied de nez, un clin d’œil effronté, à l’actuelle administration limitrophe dont le leitmotiv est, on ne peut l’ignorer tant il est martelé, de retrouver « la grandeur de l’Amérique ». Et cela, par toutes les déclarations et les décisions possibles, même les plus contestées.

www.375mtl.com/programmation/montreal-toute-une-histoire-10/ (Source : Bibliothèque et Archives nationales du Québec, auteur inconnu).

Et, qu’on ne se méprenne pas, l’Amérique du puissant voisin, c’est le territoire qui s’étend entre les frontières canadienne et mexicaine du continent, peuplé d’anglophones américains, bien entendu. Rien à voir avec des peuples qui baragouinent une langue de second ordre. Le français, qu’est-ce que c’est que ça ? C’est une langue qu’on a reproché à un candidat aux présidentielles étasuniennes de 2004 de parler, comme s’il s’agissait d’un méfait culturel.

En mars, on s’interroge

Le mois de mars, dédié à la Francophonie, se termine à Montréal comme les années précédentes : des revendications d’appartenance chargées d’émotion durant quelques jours, suivies du calme le plus plat et de la reprise de la vie courante, ni plus ni moins. Durant ce mois, des sonnettes d’alarme retentissent, prédisant l’apocalypse linguistique.

Les journalistes reprennent et commentent les données de Statistiques Canada selon lesquelles la population de langue maternelle francophone, qui ne représentait déjà plus la majorité de la population de l’île de Montréal entre 2006 et 2011 (48 %) ne représenterait que 41 % de la population de l’île en 2036.

« Pour que le français ait tout l’attrait qu’il doit avoir, écrit Manon Cornellier dans Le Devoir, il faut le promouvoir, le défendre et même le rendre nécessaire, surtout pour travailler. »  Elle a absolument raison, mais ce combat est loin d’être gagné. La suggestion de Mme Cornellier a-t-elle une chance d’être appliquée, alors que la quasi-totalité des offres d’emploi à Montréal stipule dans le profil recherché, l’exigence de l’anglais oral, et souvent également écrit. Une action est certainement à entreprendre de ce côté.

Français rêvé, français parlé

Montréal s’enorgueillit toujours d’être la plus grande ville francophone du continent américain et c’est l’un des grands attraits de la métropole, considérée comme un morceau d’Europe en Amérique. Pour ses 375 ans, un accent spécial est-il officiellement mis pour la promotion du français dans la programmation des activités ? On ne saurait l’affirmer. Sur environ 400 activités, moins de 10 pour cent des rencontres sont dédiées à la littérature. Ces chiffres, approximatifs certes, révèlent la place accordée à la langue dans la plus grande agglomération francophone des Amériques.

Par ailleurs, une constatation navrante est que, dans une quelconque assemblée, quand s’y trouve un unilingue anglophone, tout le monde autour s’efforce de discuter en anglais, comme si cette langue détenait un prestige particulier. La politesse est louable, certes. Sans aucun sentiment de dépréciation ni d’acrimonie contre l’anglais, ni contre aucune langue d’ailleurs, je crois pouvoir affirmer que les souhaits et les rêves des francophones se concrétiseront par la place qu’accorderont à la langue les citoyens de la cité.

S’ils veulent continuer à vendre Montréal sous la bannière de la francophonie, les dirigeants de tous les paliers de gouvernement devraient déployer des efforts soutenus pour motiver les populations immigrantes à choisir la langue française et pour intégrer davantage ceux qui la possèdent.

Avec l’impression d’affirmer une lapalissade, je dirais que la structuration de l’immigration francophone ne doit plus rester dans le domaine des vœux pieux ; la mise en place de programmes efficaces pour ouvrir aux nouveaux arrivants diplômés francophones les portes du marché du travail, sans que leur soit exigé l’anglais comme prérequis. En outre, parler la langue de Molière et de Félix Leclerc avec correction, la valoriser dans toutes les sphères de la société, particulièrement dans les médias, sont autant de gestes qui devraient contribuer à maintenir et même rehausser le statut qui rend si fiers les Montréalais de toutes origines. Si on commençait tout de suite ?

Sources : http://www.375mtl.com/programmation/

2 Comments

  1. Salut Yanick,
    Bien dit, bien écrit.
    Le français est une belle langue.
    Ton texte est écrit avec clarté, simplicité et élégance.
    Merci de l’avoir partagé

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