Par Andréane Martin
Au cours de la dernière décennie, les médias sociaux ont conquis la planète. De plateformes ludiques, ces réseaux se sont transformés, pour le meilleur et pour le pire, en sources d’informations.
Imaginez un instant. Un évènement majeur survient dans le monde. Vous empoignez votre téléphone intelligent pour connaître les circonstances entourant cette situation hors de l’ordinaire. En quelques clics, une multitude de détails fraîchement publiés accaparent votre attention. Si vous êtes comme 44% de la population étasunienne , vos yeux ne sont pas en train de scruter la page web d’un grand média en quête d’informations nouvelles. Votre recherche s’effectue plutôt… sur Facebook. En effet, pour plusieurs, les médias sociaux constituent dorénavant la référence en informations. Exit les médias établis, les sources alternatives ont la cote, qu’elles soient crédibles ou non. Comment en sommes-nous arrivés là?
L’agence de communication Edelman détient une partie de la réponse. La firme étasunienne produit annuellement un rapport mettant en lumière le niveau de confiance accordé par la population envers différentes institutions, dont les médias. Avec un échantillon prélevé dans 33 pays, les résultats émis par le Edelman Trust Barometer sont probants. Un peu partout sur la planète, la confiance accordée aux institutions officielles s’est étiolée au courant des dernières années. Edelman avance même l’avènement d’une crise de confiance envers les médias en 2017.
Parallèlement, le monde numérique a connu un essor fulgurant. Des tribunes, aussi variées qu’accessibles, pullulent maintenant sur Internet. La quantité d’information-citoyenne dépasse largement celle produite par des journalistes, rendant peu aisée la distinction entre ces deux types de sources. Certains estiment également que les informations provenant de sources alternatives sont garantes d’une plus grande indépendance, car le nœud du problème se situe justement là. Avec une faible confiance accordée aux médias, 55% de la population croit davantage une nouvelle partagée par un ami Facebook que celle publiée sur la page d’un média. Plus surprenant encore, Edelman nous apprend que, pour ces derniers, l’opinion d’un expert ne constitue pas un gage d’objectivité puisqu’il doit forcément œuvrer pour des intérêts particuliers. Ce scepticisme engendre un phénomène encore plus inquiétant : la désinformation.
À QUI LA FAUTE?
Fréquemment pointés du doigt, les algorithmes sont-ils en cause? Grâce à l’analyse de nos actions et interactions passées, ces opérations mathématiques parviennent à cibler exactement le genre d’opinions qui nous rejoint. Puisqu’ils confinent les usagers des réseaux sociaux à n’apercevoir que des informations confortant leur propre point de vue, la réalité inverse demeure complètement occultée, comme si elle n’existait tout simplement pas.
Guillaume Latzko-Toth, professeur adjoint au département d’information et de communication de l’Université Laval, ne croit pas que le problème en émane uniquement. Dans une entrevue accordée à Radio-Canada, ce spécialiste des communications confiait récemment que les causes à ce problème sont en fait multiples. En plus des algorithmes, la présence massive de gens sur les mêmes médias sociaux engendre, selon lui, une surreprésentation de certaines nouvelles. Comme le parvis d’église, jadis, où les commérages prenaient davantage de place que les vraies nouvelles, de fausses informations circulent sur les médiaux sociaux et prennent rapidement une ampleur titanesque en raison de la masse de gens présente sur ces réseaux.
Il accuse également la course aux revenus, omniprésente dans les médias, de se trouver au cœur du problème. Dans le but d’engranger le plus de visites possibles, certaines plateformes propagent du contenu attrayant pour ses lecteurs, sans nécessairement en vérifier la fiabilité.
Latzko-Toth estime, en fait, que le problème est systémique, ce qui laisse bien peu d’espoir de voir la situation changer rapidement. Et si la solution pour lutter contre la désinformation passait au final par l’éducation? Le Edelman Trust Barometer souligne que plus d’une personne sur deux ne s’intéresse tout simplement pas aux opinions contraires des siennes. Dans un monde où son propre point de vue prévaut et où il y a de moins en moins de confrontations d’idées, il est définitivement plus difficile de développer un esprit critique suffisamment développé pour détecter les fausses nouvelles qui circulent sur le web.