Avec Silvio Berlusconi et l’humoriste Beppe Grillo aujourd’hui militant politique, l’Italie fait fort en matière de peopolisation. Retour sur ces deux stars politiques qui ont marqué l’Italie.
Par Tahia Marie Wan
Il est d’autant plus facile pour Silvio Berlusconi d’être présenté à son avantage par les médias qu’il possède lui-même un grand empire médiatique. En 1991, il s’empare de la grande maison d’édition italienne Mondadori, en plus d’être propriétaire de grandes chaînes de télévision (Canal 5, Italia 1, Rete 4). Il dispose donc d’un arsenal de moyens pour jouer les stars à la télévision : le chanteur, l’entraîneur de football, le symbole de la réussite, bref… l’acteur ! Mais un acteur qui a présidé aux destinées de la 7e puissance économique mondiale à cette époque… Une situation qui, dans la foulée, rappelle le glamoureux Ronald Reagan.
L’ essoufflement du système démocratique
Pendant 15 ans, Silvio Berlusconi, par son contrôle des médias et de l’information, se donne les moyens d’assouvir ses aspirations de dirigeant unique. Le journaliste Carlo Frecerro parlera même de berlusconisation des esprits: « Le berlusconisme recherche un consensus populaire et plébiscitaire, né d’une consommation naturelle de la télévision. Il a son point de force, non pas tant dans la propagande directe des valeurs de droite que dans la mise en acte parfaite des mécanismes de conditionnement de l’audience… La télé commerciale doit niveler, promouvoir l’égalité des comportements et des consommations. Ainsi, les émissions d’actualité politique, en utilisant sans cesse les sondages ont enraciné dans l’opinion publique l’équation entre majorité et vérité. » M. Frecerro expliquera dans une entrevue pour le journal Le Monde que « en 15 années, avec ses télévisions commerciales axées sur la vulgarité, la consommation, l’abondance et une esthétique médiocre, Berlusconi a changé l’Italie. Il a créé un imaginaire artificiel qui a transformé le rêve en cauchemars ».
Pour mettre à l’abri les médias de l’influence des politiques, l’ancienne journaliste et sénatrice Tana de Zulueta a déposé, en janvier 2006, une loi d’initiative populaire sur l’audiovisuel au nom d’une association de citoyens. Ceux-ci estiment que l’audiovisuel public doit être contrôlé par ceux qui savent faire de la télévision.
Des people pour défendre la démocratie
De même, on retrouvera le comédien et fondateur du Mouvement 5 étoiles, Beppe Grillo, pour la défense de la démocratie directe dans les médias. Un autre exemple de peopolisation dont la popularité a renforcé le caractère politique.
L’histoire du Mouvement commence par une plaisanterie sur le leader du parti socialiste italien, Bettino Craxi lors d’un sketch satirique relatant une visite du parti socialiste en Chine. Dans sa blague, il fait parler un collaborateur du premier ministre qui demande à ce dernier : « Mais ils sont un milliard et ils sont tous socialistes ?» Après avoir reçu une réponse positive, le collaborateur poursuit : « S’ils sont tous socialistes alors qui volent-ils ?» Très politisée à gauche, la plaisanterie passe mal auprès de la télévision italienne et Beppe Grillo est éloigné des plateaux à la suite de poursuites politiques. Dès lors, Beppe Grillo n’est plus un simple humoriste mais il devient un héros du peuple face aux oligarques. Rapidement, ses spectacles deviennent de véritables réunions politiques lors desquelles « il parle directement au peuple, sans les filtres des journalistes et des médias », ce qui sera la position centrale de son Mouvement.
Depuis des décennies, il existe une collusion entre l’information et la politique. L’arrivée de Beppe Grillo est animée par un souffle nouveau mais empêche parfois une véritable discussion autour du rôle du journalisme en politique, tant le mouvement reste méfiant envers les médias. Aujourd’hui, l’Italie n’est qu’à la 77e place dans la classification du Freedom House sur la liberté des médias.