La génération tablette tire de la patte

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Par Loïc Surprenant

Les tablettes électroniques, écrans d’ordinateur et téléphones intelligents sont déjà omniprésents dans les « temps libres » des ados et pré-ados, avec des effets néfastes pour certains sur leur motivation, leur vie sociale, leur condition physique et leurs résultats scolaires. Mais depuis la pandémie et l’enseignement à distance, les écrans sont entrés à l’école pour ne plus en sortir, semble-t-il. Des enseignants et des experts constatent que les écrans, en classe, perturbent directement l’apprentissage de plusieurs élèves, particulièrement en français.

Mathieu (nom fictif, pour éviter des représailles par son employeur) n’a pas été surpris lorsque le ministère de l’Éducation a publié, les résultats de l’épreuve unique de français de tous les élèves de cinquième secondaire du Québec en 2022 : le taux de réussite avait chuté de 15% depuis 2019, dernière année de référence, puisque l’épreuve a été annulée pendant les deux ans de la pandémie.

Mathieu enseigne le français en première et deuxième année du secondaire dans un collège privé de Varennes. Il observe quotidiennement, dans ses classes, le rapide déclin de la qualité du français chez ses élèves. « Dès que j’annonce qu’on va écrire un texte, les jeunes chahutent: «Heiiiin!» Ils ne veulent pas lire de livre non plus. Ils lancent: «Hooo! Le livre a combien de pages?» » En plus, pour remettre ses élèves à niveau Olivier doit faire du rattrapage et redonner des notions de français, qui devraient être maîtrisées bien avant la 6e année.

Karine Champigny est enseignante de quatrième secondaire en français, communication et média, au Collège privé Saint-Paul à Varennes. Elle aussi constate des retards et des lacunes chez un nombre grandissant de ses élèves. « Ils ont beaucoup de difficulté avec les règles de base en écriture, la grammaire, les conjugaisons… Normalement, en quatrième secondaire, ces notions devraient être acquises. » Elle considère que l’utilisation intensive des écrans n’est pas étrangère à ce déclin, « Il est certain que ça joue, selon moi ».

Pour Mathieu, si les élèves écrivent des textes bourrés de fautes c’est parce qu’on fait de moins en moins du français une « compétence transversale », pour reprendre une expression du jargon du milieu de l’éducation. « On pénalise de moins en moins le français écrit dans les matières qui ne sont pas le français. Par exemple, en histoire, tu ne perdras pas nécessairement de points dans ton examen si tu fais des fautes. Même chose pour un résumé de lecture : on ne pénalise pas les fautes d’orthographe. Ce qui fait en sorte que l’élève ne se force pas pour bien écrire sans faute. Plusieurs ne prennent même pas le temps d’utiliser les outils tels que le correcteur d’orthographe sur ordinateur, avant de remettre un devoir ou un examen », dit l’enseignant.

Le fléau des « textismes »

Ce qui n’aide pas non plus à une bonne maîtrise du français, chez les élèves, ce sont les anglicismes et les abréviations qu’ils utilisent dans leurs échanges écrits par textos et sur les réseaux sociaux. Ainsi, on appelle « textismes » ces courts messages truffés de raccourcis, d’abréviations, de termes anglais et d’émoticônes. Ils écriront « En t k » pour « en tout cas », « OMG » pour « Oh my God » (Oh, mon Dieu!, pour exprimer, notamment, la surprise), et « LOL » pour « Laughing Out Loud » (qu’on pourrait traduire par « Rire à gorge déployée »).

Éric, un adolescent de première secondaire à l’école Édouard-Montpetit, à Montréal, ne voit pas là une menace pour la qualité de son français.

« Dans les textos, on prend parfois des raccourcis qui ne font aucun sens, mais on se comprend et c’est plus rapide. Mais je ne vais pas écrire de cette façon dans mes textes de français ».
Éric, élève de première secondaire

Son ami Guillaume, lui aussi en première secondaire à la même école, est moins optimiste et constate qu’il perd son français, un texto à la fois : « les textos, entre amis, nuisent vraiment à l’orthographe. »

Une étude américaine semble lui donner raison. Le Dr Khalil El-Saghir, de l’Université Wayne State, à Détroit, a exploré, dans une publication scientifique datée de 2015, les corrélations entre le déclin des compétences linguistiques des jeunes Américains et la prolifération des textos. Il cite en exemple la chute des notes en écriture à l’examen national américain NAEP de 2011. Cette année-là, le taux de réussite des élèves en anglais est tombé sous celui de 1998. La prolifération des téléphones mobiles permettant aux adolescents d’écrire des textos semble être une partie des causes. Si les textismes posent une menace à la langue anglaise aux États-Unis, on peut imaginer que la menace pour le français au Québec n’est pas moins grande.

D’autant plus que l’univers numérique, dans son ensemble, est largement dominé par la langue anglaise. C’est particulièrement vrai pour les jeux vidéo auxquels beaucoup d’adolescents consacrent plusieurs heures par semaine, voire par jour. Des jeux très populaires comme Fortnight et Leagues of legends sont tous hébergés sur des serveurs dans l’infonuagique. Les utilisateurs se branchent à leur compte et discutent avec les autres participants grâce au microphone intégré de leur casque d’écoute. Dès qu’un joueur s’exprime en anglais, les autres ont tendance à suivre et passent eux aussi à la langue de Shakespeare. « Je suis bilingue, dit Guillaume, j’écoute la musique en anglais, je regarde des films en anglais, à la maison, je parle anglais. Quand je joue à des jeux vidéos, je parle en anglais, même si mes amis parlent en français », souligne Guillaume. Éric est dans une situation similaire : « les jeux sont en anglais. J’utilise donc beaucoup d’anglicismes en jouant. »

Limiter l’accès aux applications ?

Mais, au-delà des textismes et des anglicismes, Mathieu attribue la chute de la qualité du français à l’omniprésence des applications de divertissement disponibles pendant les heures de cours. L’accès aux jeux vidéo est trop facile, insiste-t-il. « Les processeurs des tablettes sont tellement puissants qu’un élève peut subtilement entrer dans une partie en deux secondes, jouer 30 secondes. Puis, sur un double-clic, fermer le jeu, retourner à son texte et dire “regardez monsieur, je suis en train de lire mon texte.” Il y a une zone grise où tu commences à argumenter avec l’élève devant toute la classe. Ça dérange tout le monde, et on prend du retard sur la matière. C’est frustrant et drainant ».

Selon une récente étude par des chercheurs de l’Université Ludwig Maximilian de Munich, les plateformes numériques comme Twitter, Facebook ou Instagram cherchent précisément à captiver l’attention de leurs utilisateurs avec des contenus très stimulants et de courte durée. Dans le cas de TikTok, par exemple, la plate-forme fait défiler des séquences de brefs vidéos loufoques qui passent du coq-à-l’âne, sur une foule de sujets ou de situations. Cette dose de stimulant intense pour le cerveau provoque chez l’utilisateur une perte de sa mémoire prospective, c’est-à-dire de se rappeler d’exécuter une action planifiée. En d’autres mots, l’utilisateur est déconcentré de son activité et a de la difficulté à se rappeler ce qu’il devait faire dans l’immédiat.

C’est précisément pour réduire ce genre de distractions auxquelles s’exposent ses élèves que Mathieu plaide pour que, pendant les cours, les tablettes des élèves ne contiennent que la suite Office, dont Excel et Word.

« En classe, une tablette devrait être utilisée comme une feuille de papier ou un cahier, un support technique pour y prendre des notes. Point.»
Mathieu, enseignant en français au secondaire

Une autre approche, selon lui, serait de réduire l’accès à Internet des élèves pendant les heures de cours.

Karine Champigny, ne va pas jusque-là. « Il faut un équilibre entre les outils papier et les outils numériques, parce qu’ils peuvent nous aider dans l’apprentissage. J’ai recours à des jeux numériques en classe dans lesquels les élèves apprennent, notamment par des jeux-questionnaires créés autour d’une œuvre littéraire, par exemple. »

Éric, étudiant de première secondaire, l’admet : le temps qu’il passe sur les écrans peut avoir un impact sur ses performances en français malgré qu’il réussisse à obtenir une moyenne de 75%. Mais, pour lui comme pour Karine, cet impact n’est pas que négatif. « Je suis dyslexique, dit Éric, et je fais beaucoup de fautes d’orthographe. Avec mon ordi et un logiciel de correction, j’arrive à m’en tirer pas si mal. Mais sans mon ordi, quand j’écris, c’est bourré de fautes, à cause de ma dyslexie ».

D’ailleurs, dans son étude qui établit un lien entre l’utilisation des textismes et le déclin de la langue anglaise chez les jeunes américains, le Dr El-Saghir, constate que le recours à des logiciels d’autocorrection permettrait d’atténuer une partie des carences linguistiques des élèves.

Cellulaires interdits en classe

Depuis le 31 décembre 2023, la nouvelle directive, du ministre de l’Éducation Bernard Drainville, vise à réduire les distractions en classe. Il est désormais interdit d’utiliser un téléphone en classe dans les écoles primaires et secondaires au Québec, mais les enseignants peuvent laisser les élèves utiliser leurs téléphones pour des fins pédagogiques spécifiques.

Un rapport de l’UNESCO de juillet 2023 conclut que les téléphones cellulaires pouvaient perturber l’apprentissage. M. Drainville a déclaré que ce rapport l’avait incité à agir.

L’initiative québécoise suit la même directive, imposée en 2019 par l’Ontario, qui interdit les téléphones cellulaires en classe. Quatre ans après l’application de la mesure, les syndicats des enseignants ontariens déplorent en 2023 que l’interdiction ne soit pas respectée et que les cellulaires soient régulièrement présents dans les salles de classe.

Rachel Chernos Lin, la présidente du conseil d’administration du Toronto District School Board (TDSB), souligne en entrevue à Metro Morning, la matinale de CBC, que les règles actuelles sont difficiles à appliquer et peuvent varier selon l’établissement.

Une nouvelle motion qui a été ratifiée à la fin du mois de janvier par le TDSB indique que le conseil devra examiner la manière dont les autres conseils scolaires et les écoles individuelles traitent le problème afin de mieux soutenir la réussite scolaire et la santé mentale des élèves.

Tensions parents-enfants

Théoriquement, l’école pourrait limiter les applications et les logiciels disponibles pendant les heures de cours, ainsi que l’accès à Internet. Mais l’école ne peut pas gérer les horaires des jeunes 24 heures par jour. C’est là où les parents et les proches des élèves entrent en jeu pour tenter de limiter le temps passé devant leurs écrans les fins de semaine, en soirée et parfois, la nuit.

Dans bien des foyers, la question du temps-écran devient source de tensions entre parents et enfants, de conflits fréquents, sinon perpétuels.

Nora Chacon est intervenante à La Maison familiale Baobab, dans le quartier Côte-des-Neiges, à Montréal. Elle raconte que la majorité des 300 familles qui reçoivent des services de son organisme semble avoir des problèmes de gestion des écrans, qui ont une grande force d’attraction. « Dès qu’un jeune est devant un écran, il se calme et se concentre sur son application numérique, ce qui permet aux parents de souffler.

Les écrans agissent un peu comme une gardienne ou un ami pour l’enfant. Sauf que la dépendance du parent et de l’enfant au rôle des écrans est exacerbée lorsqu’il y a un conflit à la maison. L’enfant utilise alors l’écran pour se calmer et faire disparaître sa colère ou sa tristesse. L’écran devient un exutoire.

Mais plus les années avancent, plus le lien entre le jeune et l’écran devient fort. C’est plus difficile, par la suite, de réduire le temps d’exposition aux écrans. Les habitudes sont prises, c’est addictif. La récompense immédiate qu’offre les écrans n’encourage pas l’enfant à fournir un effort prolongé, à essuyer des revers et à poursuivre une activité sans gratification instantanée. »

La docteure Sandrine Perreault est médecin de famille et travaille auprès des familles dans l’est de l’île de Montréal, au CLSC Mercier-Est-Anjou. Elle observe que dans les jeunes qui éprouvent des difficultés académiques, plusieurs sont surexposés aux écrans.

« Les normes canadiennes recommandent une exposition quotidienne aux écrans de moins d’une heure pour les enfants de deux a cinq ans et moins de deux heures chez les adolescents et d’éviter tout écran avant l’âge de deux ans. Chez les jeunes que je rencontre, plusieurs dépassent la recommandation, pouvant parfois dépasser cinq heures par jour la fin de semaine. Le temps d’écran empiète sur les heures de sommeil, sur le temps des travaux scolaires ».
Dre Sandrine Perreault, médecin de famille au CLSC Mercier-Est-Anjou

Des chiffres trompeurs ?

Pas facile de s’y retrouver dans les statistiques du ministère de l’Éducation du Québec.

Les chiffres officiels indiquent que le taux de réussite global des élèves de quatrième et cinquième secondaire a bondi pendant la pandémie, passant de son niveau habituel (autour de 88%), à 96,2% en 2020, puis à 92% en 2021. Les chiffres pour 2022 ne sont pas encore disponibles, mais on s’attend à une baisse marquée, un peu comme on l’a vu dans les résultats de l’épreuve du ministère en français.

Comment, alors, expliquer ces poussées de « réussites » pendant la pandémie?

Normalement, le taux de réussite global est basé sur les résultats des épreuves uniques du ministère de l’Éducation dans chaque des 5 matières : français, anglais, mathématique, science et technologie et histoire du Québec et du Canada. Mais aussi sur les notes de l’étudiant durant l’année. Comme ces épreuves ont été annulées en raison de la pandémie, le ministère a établi le taux de réussite de 2020 et 2021 uniquement à partir des résultats de chaque élève aux travaux effectués dans le cursus scolaire, en cours d’année. Tous les élèves à l’échelle de la province n’ont donc pas été évalués selon les mêmes critères.

Et certains enseignants soutiennent avoir fait l’objet de pressions insistantes pour tourner les coins ronds et obtenir un bon taux de réussite pour leurs élèves.

André, qui a requis l’anonymat par crainte de représailles, est enseignant d’une école secondaire privée dans le Grand Montréal. Il raconte qu’un de ses élèves ne s’est pas présenté à l’examen de fin d’année imposé à toute la la classe, et dont le résultat comptait pour établir la note finale de chacun. Au moment d’en discuter avec la direction, on a demandé à André si c’était grave que l’élève n’ait pas passé son examen. Les parents s’en sont mêlés, invoquant mille excuses pour protéger leur enfant. « J’ai fini par me résigner et à accorder la note de passage à l’élève », admet André.

Autre exemple : au début de la pandémie, André a demandé à ses élèves de prendre des notes pendant les cours donnés à distance, puis de lui envoyer leurs notes afin que l’enseignant puisse vérifier s’ils avaient été attentifs. Encore une fois, il a fait face à une forte opposition de la part des élèves, de leurs parents et de la direction de l’école. Il a dû renoncer à la vérification des carnets de notes de ses élèves.

Pour André, le fait d’enseigner dans un collège privé change considérablement son rapport d’autorité avec l’élève et avec les parents, qui sont avant tout des « clients » de l’institution. Autant les enfants que les parents négocient pour obtenir plus de souplesse de la part des enseignants. La direction est coincée entre l’arbre et l’écorce, en tentant de préserver la qualité de l’enseignement et être « accommodante » auprès de sa « clientèle ».

Ces critères variables d’une école à l’autre pour établir le taux de réussite global pendant les années 2020 et 2021 expliquent également la dégringolade des taux de réussite disparates d’une région à l’autre, lors des épreuves de français de 2022. Pour l’ensemble du Québec, ce taux de réussite en français a chuté de 15% . Mais pour le Centre de services scolaires du Fleuve-et-des-Lacs dans le Bas-Saint-Laurent, le taux est passé de 82,9% en 2019 à 50,5% en 2022. Pour le Centre de services scolaire de la Pointe-de-l’Île, à Montréal, le taux était de 67,7% en 2019, puis de 54,4% en 2022.

Karine Champigny, enseignante de quatrième secondaire en français, communication et média au Collège privé Saint-Paul, à Varennes, reconnaît que la qualité du français a baissé depuis la pandémie, principalement à cause du télé-enseignement : « Il est difficile de motiver les jeunes et de faire un suivi sur leurs progrès à distance. Mais je crois que la qualité du français devrait s’améliorer avec le retour en classe des élèves et de leurs enseignants ».

Selon une étude menée par la Dre Sheri Madigan de l’Université de Calgary, on peut établir un lien entre l’usage des écrans et le développement du langage chez les enfants de moins de 12 ans : plus l’enfant passe du temps devant les écrans, moins il semble développer et améliorer son niveau de langage.

Guillaume, qui étudie en première secondaire, souligne : « pour un ado qui a de la misère en français, comme moi, je pourrais couper un peu sur mes heures de jeu et travailler à améliorer mon français à la maison. Mais je vais être honnête avec toi, je ne suis pas capable de me contrôler, c’est ma mère qui doit me gérer. » Comme c’est le cas dans des bien des foyers.

Outils pour contrôler le temps écran

Il existe pourtant des outils à la disposition des parents pour mieux contrôler le temps écran de leurs enfants et réduire les conflits perpétuels sur cette question : horloge intégrée pour fermer automatiquement des applications, ou gestion du temps à partir du compte de parent, etc… Mais, souvent, les parents ne connaissent pas ces outils ou peinent à y recourir : « Certains parents sont plus habiles avec les technologies, mais ce n’est pas le cas de tout le monde », souligne la Dr Perreault. « Pour plusieurs parents, ça devient parfois complexe de tenter de prévenir ou de gérer à la fois les problèmes de cyberintimidation et de surutilisation des écrans, parce qu’ils ne savent pas exactement comment établir des limites, tout en laissant une marge d’autonomie à l’adolescent et en respectant sa vie privée. »

Nora Chacon convient qu’à un certain âge, le contrôle des parents peut devenir plus gênant :

« Il est difficile de concevoir, qu’à partir de 16, 17 ans, l’adolescent bientôt adulte, doive encore contacter son parent pour demander d’allonger de 30 minutes son temps d’écran épuisé. »
Nora Chacon, intervenante à La Maison familiale Baobab

Toutefois, limiter le temps écran ne suffit pas pour assurer de meilleurs résultats scolaires aux élèves. Leur capacité de se concentrer sur leurs travaux et de bien assimiler les notions reposent aussi sur la diète alimentaire, l’exercice physique, le sommeil, autant que sur le temps écran, selon une étude réalisée en Nouvelle-Écosse, chez les jeunes de cinq à 11 ans, par le chercheur en santé publique Erin L. Faught de l’Université de l’Alberta. On y révèle que les jeunes qui arrivent à équilibrer le temps consacré aux écrans (deux heures par jour en dehors des heures d’école) et celui réservé au sommeil, accompagné d’une saine alimentation et d’activités physiques, obtiennent de meilleurs résultats en mathématiques, en écriture et, surtout, en lecture.

Concilier jeux vidéo, école, exercice et bonne alimentation

À l’école secondaire Édouard-Montpetit, de Montréal, on vise précisément à inculquer aux jeunes ce juste équilibre entre de saines habitudes de vie et la pratique des jeux vidéo. Depuis septembre dernier, l’établissement a ajouté un volet E-sports-études, à son offre de programmes à cheminement particulier — Sports-études et Arts-études — déjà existants. Quelques écoles québécoises offrent également un programme semblable. À l’école Édouard-Montpetit, une vingtaine d’élèves, de première à cinquième secondaire, y sont inscrits.

Le programme a été conçu et fonctionne au quotidien en collaboration l’Académie Esports, un organisme qui forme et encadre des amateurs de jeux vidéo. Tous les matins, les élèves du programme d’Édouard-Montpetit reçoivent leurs cours de formation générale à l’école : français, mathématiques, histoire, géographie et autres. Mais quatre après-midis par semaine, ils se déplacent vers les locaux de l’Académie, située à quelques pas de l’école, pour leur formation « spéciale ». Pendant cette période, les élèves ont le droit de jouer à des jeux vidéo pendant deux heures, mais sous la supervision d’un enseignant. Le reste des après-midis est consacré à l’exercice physique et à des conseils sur l’alimentation afin d’améliorer les réflexes des élèves dans leurs jeux vidéo. On les forme également à prévenir et à gérer les problèmes de cyberdépendance et de cyberintimidation grâce à des cours de sensibilisation.

La Dre Sandrine Perreault, quant à elle, doute des bienfaits de tels programmes dans un contexte scolaire. « Lorsqu’un jeune passe près de 20 heures par semaine à jouer, durant ses heures d’école, je crains la dérive vers un problème de dépendance au jeu. Suite à ce que vous me décrivez, les programmes E-sports-études semblent vouloir institutionnaliser l’utilisation intensive du jeu vidéo dans le système scolaire, au détriment des heures consacrées normalement à d’autres matières », conclue-t-elle.

Hors des murs de l’école, mais avec le même souci d’aider les amateurs de jeux vidéo à contrôler leur pratique, Mathieu Arcand a fondé en 2020 une petite entreprise dans la région de Québec, Gamer Mentor. Les joueurs qui s’y inscrivent reçoivent un encadrement afin de leur éviter dérapages, dépendance et décrochage scolaire. Le programme de Gamer Mentor est offert en ligne uniquement, pour un montant de 272$ par mois en moyenne, et affirme être déjà venu en aide à près de 800 familles, depuis sa création. L’entreprise est affiliée à la High School E-sports League, qui regroupe près de 300 écoles américaines offrant ce type de programme d’encadrement. L’expérience de tous ces initiatives est encore trop récente pour en dresser un bilan, mais ils témoignent d’un engouement certain pour encadrer la pratique des jeux vidéo.

En Chine, le gouvernement a pris les grands moyens pour tenter d’éviter la cyberdépendance aux jeux vidéo des jeunes de moins de 18 ans : ils ne sont autorisés à jouer qu’un maximum de trois heures par semaine, entre 20h et 21h. Même si elle prêche la modération, Dre Sandrine Perreault juge les mesures chinoises trop radicales : « Ce genre d’approche ne fonctionnerait pas en Occident. Les gens n’embarqueraient pas. » Elle prône plutôt l’éducation des adultes et des jeunes par des campagnes de sensibilisation, comme on l’a fait avec beaucoup de succès pour l’alcool au volant, dans les années 1990.

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