La délicieuse soupe joumou : un plat haïtien victorieux

Chroniques

Par Déborah St-Victor

Lorsque ses collègues demandent à Déborah quel est son plus beau souvenir d’enfance du jour de l’An avec sa grand-mère, elle ne cherche pas bien loin pour le sortir de sa mémoire… Elle répond : « Moi, mon plus beau jour de l’An, c’était quand j’avais dix ans. Dans un grand chaudron, la soupe joumou, que l’on surnomme aussi le potage au giraumon, mijotait et sentait délicieusement bon.  Elle était presque prête pour le repas en famille… Grand-mère Olie l’avait encore cuisinée et servie cette année-là. »

En voyant toute sa famille réunie autour de la table couverte d’une belle vaisselle, la petite Déborah se sentait tout heureuse et épanouie. La soupe fumait dans les assiettes. Tous riaient et la mangeaient avec le sourire aux lèvres. Une merveilleuse soupe vitaminée à la courge. Un repas copieux et appétissant. Les visages rayonnants de santé. Grand-mère Olie partait ensuite à la messe, laissant sur le feu la soupe pour les invités de l’après-midi et du soir.

Les ingrédients de la soupe joumou (source: Déborah St-Victor).

Déborah aimait surtout quand sa mamie racontait l’histoire de ce potage au potiron : « Écoutez-moi, disait-elle à ses petits-enfants, au temps de la colonisation française, la soupe joumou était uniquement servie aux maîtres fortunés. Nos ancêtres, les esclaves, n’avaient pas le droit d’en manger, et ce, malgré le fait qu’ils étaient les seuls à semer et cultiver ce précieux fruit. Mais le jour de l’Indépendance d’Haïti, le 1er janvier 1804, Claire-Heureuse, la femme de Jean-Jacques Dessalines, dirigeant de la révolution haïtienne, autorisa la consommation de cette soupe à tous, paysans comme esclaves afin de montrer au monde entier que nous, Haïtiens, étions maintenant un peuple libre ! C’est pour ça qu’aujourd’hui, cette tradition haïtienne importante est bien ancrée dans nos foyers. Et vous, lorsque vous serez de grandes personnes à votre tour, vous la préparerez et la servirez à vos enfants, vos amis, vos collègues comme le fait votre mamie tous les 1er janvier en mémoire de notre indépendance. »

Les légumes de la soupe joumou (source: Déborah St-Victor).

Tous, du plus petit au plus grand, l’écoutaient attentivement, oubliant leur soupe qui refroidissait. Ce moment unificateur restera à jamais le plus beau souvenir de Déborah.

Le 24 novembre dernier, Déborah a pu revisiter ce souvenir d’enfance dans le cadre du concours Les Chefs de la Fac animé par Hélène Laurendeau, une nutritionniste spécialiste des communications. Trois employés de la Faculté de médecine de l’Université de Montréal cuisinent une recette coup de cœur qui est un incontournable dans leur famille pendant le temps des Fêtes. 

Pendant que Déborah mange une assiettée de la soupe joumou qu’elle a préparée et servie à ses collègues, elle peut presque revoir le sourire de sa grand-mère Olie qui serait fière de savoir que ce plat victorieux, symbole de liberté, est désormais inscrit sur la Liste du patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO.

La soupe joumou (source: Déborah St-Victor).

En effet, le 16 décembre dernier, le Comité intergouvernemental de sauvegarde du patrimoine culturel à Paris a pris cette décision historique.  C’est un moment marquant pour le peuple haïtien, fier de son patrimoine culturel et historique. 

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