Par Candice Robin
Le phénomène de banalisation de la maladie mentale, la plupart du temps inconsciente, peut se manifester dans le langage courant, et ainsi s’insinuer dans la vie de tous les jours. Tantôt perçus comme une tare ou une malédiction, les troubles mentaux pour ce qu’ils sont réellement sont systématiquement bannis des conversations car jugés tabous.
On peut observer, dans le langage que l’on utilise, que certains termes rapportant à la santé mentale sont lancés à tort et à travers. Fou, bipolaire, OCD, maniaque… autant d’expressions sont détournées pour désigner divers comportements sans prendre en compte leur sens d’origine. Ignorance ou maladresse, gare à ces mots plus lourds de sens qu’on ne pourrait le croire !
La paresse de chercher dans le dictionnaire ?
Grossir le trait aide pour renforcer son propos. Et lorsqu’il s’agit d’exagérer la description de quelqu’un ou de son comportement, le lexique de la santé mentale arrive au galop dans l’inconscient collectif pour résumer en un mot tranchant l’idée d’une phrase.
« Elle a des sautes d’humeur » sera par exemple remplacé, pour plus d’efficacité et par économie de syllabes, par le mot « bipolaire », dur et lourd.
Schizophrène, paranoïaque, kleptomane, maniaco-dépressif… Ces termes cliniques sont-ils réellement adaptés pour appuyer sa pensée ? Les mythes entourant la maladie mentale représentent un danger, d’autant plus que la confusion règne autour de la signification des termes qui y réfèrent.
Injurier sans dire de gros mots ?
Dans l’esprit de certains, les mots en rapport avec la santé mentale ont une connotation négative et parfois insultante.
Si l’on prend l’exemple de Donald Trump, accusé par plusieurs d’être atteint de maladie mentale, il semblerait que le manque de fondement dans ces affirmations trahisse un manque de professionnalisme, ou encore une tentative pour décrédibiliser le président américain. Plus encore, mener pareil discours serait « une insulte envers ceux qui souffrent de maladie mentale », d’après le psychiatre Allen Frances.
Ces accusations d’experts ne sauraient être prises au sérieux, n’ayant pas été vérifiées. Cependant les dés sont jetés ; et le président des États-Unis est désormais suspecté de souffrir de narcissisme malin. Cette étiquette, une fois mise, sera difficile à ôter : le terme « malade mental » frappe aussi les plus haut placés.
« C’est pas ma faute, je savais pas !»
L’extrait qui suit est tiré d’une entrevue avec C., diagnostiquée schizophrène légère. Elle nous parle de la réalité de la maladie mentale, au-delà de la barrière des préjugés. Selon C., « tu apprends à vivre avec… »
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On ne sait pas d’emblée quelle est la réalité que l’on contredit en affirmant qu’untel est malade mental. Comme le met en lumière un article dans Le Monde, une vague de troubles psychologiques frappe les États Unis et se propage telle un fléau, avec 8,3 millions d’Américains atteints, rien de moins.
L’ignorance de ces chiffres et de ce qu’est réellement la maladie mentale constitue alors un affront aux personnes concernées, et ne fait que décrédibiliser les différents maux dont peuvent souffrir les Hommes, invisibles mais bien réels.
Références
ROSIER, Laurence. « Psychopathie : Donald Trump, le diagnostic impossible », Le Monde Science et Techno, 1 mai 2017
FRIEDMAN, Richard A. « États- Unis. Trump « malade mental » ? Un peu de bon sens s’il vous plaît ! », The New York Times – New York, 21 février 2017
LAUER, Stéphane. « Hausse significative des troubles psychologiques aux Etats-Unis », Le Monde, 18 avril 2017