Par Étienne Godin
Journaliste scientifique passionné, auteur, chargé de cours au certificat en journalisme et aventurier dans l’âme, Mathieu-Robert Sauvé a eu le coup de foudre pour l’île d’Anticosti lorsqu’il s’y est rendu, à l’été 2022, afin de réaliser une série de reportages pour Le Journal de Montréal. « C’était pour moi une date avec cette nature sauvage », raconte-t-il. Il n’en fallait pas plus pour que naisse en lui un ambitieux projet d’ouvrage documentaire. Son plus récent livre, Anticosti : 450 millions d’années de vie, nous fait découvrir cette île québécoise d’une richesse géologique et paléontologique hors du commun, qui figure depuis septembre dernier au patrimoine mondial de l’UNESCO.
« C’est grâce à mon travail de journaliste qui couvre la science que tout ça a été possible », lance d’entrée de jeu Mathieu-Robert Sauvé en visioconférence. « Au printemps 2022, j’assistais au congrès de l’ACFAS [l’Association canadienne-française pour l’avancement des sciences], et j’ai constaté qu’il y avait un colloque d’une journée complète sur Anticosti. Je n’en savais pas plus sur le sujet que la moyenne des ours, pour être honnête. » Émerveillé par « la géologie si particulière de l’île », il a d’abord proposé à ses patrons du Journal de Montréal d’y consacrer une série de reportages, dont font partie les articles « Patrimoine mondial de l’humanité: Anticosti porte les archives géologiques de la vie » et « Anticosti: pas assez de place pour les écotouristes », puis un livre entier qui a vu le jour à l’automne 2023, au moment même où l’UNESCO (Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture) ajoutait l’île d’Anticosti à sa prestigieuse liste du patrimoine mondial.
Située en plein cœur du golfe du Saint-Laurent, sur la Côte-Nord, au large de Havre-Saint-Pierre, l’île d’Anticosti fascine la communauté scientifique depuis le début du 20e siècle. « Il y a des chercheurs qui vont là-bas pour étudier les tourbières. Tu creuses, et tu sors l’histoire de la végétation depuis quasiment la dernière glaciation », explique l’auteur.
Interrogé sur la signification du titre de son ouvrage – Anticosti : 450 millions d’années de vie – Mathieu-Robert Sauvé résume avec enthousiasme ce qui s’est déroulé sur cette île, des millénaires avant que l’être humain n’en foule le sol. « Au cours de l’histoire, il est arrivé toutes sortes d’événements, comme une glaciation, un météorite, et soudain… pouf! La vie disparaît. La première de ces extinctions-là a eu lieu il y a 447 millions d’années. Donc, le titre, c’est ça, près de 450 millions d’années d’évolution jusqu’à aujourd’hui. »
« Quand on recueille des fossiles sur l’île, on voit des traces de vie très diversifiées avant [l’extinction]. Ensuite, pendant l’équivalent d’une couche géologique entière, il n’y a plus rien. Par-ci par-là, un petit coquillage, mais sans plus. Et après, ça reprend. C’est fascinant, parce qu’on a devant nous toute l’histoire de cette première extinction massive. Il n’y a pas un seul autre endroit sur terre où ça s’étudie aussi bien. »