L’économie du partage a le vent dans les voiles. Un peu partout dans le monde, cette manière de consommer gagne en popularité, et les façons d’y prendre part deviennent de plus en plus nombreuses. À Montréal seulement, 180 initiatives d’économie du partage ont été recensées par l’Observatoire de la consommation responsable de l’École des sciences de la gestion de l’UQAM, et leur nombre ne cesse de croître. Nouvelle, cette tendance au partage?

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Crédit photo : cirano.qc.ca

Par Andréane Martin

Inextricablement liée à Internet, l’économie du partage est souvent perçue comme l’enfant du web. Pourtant, elle existait bien avant qu’Internet ne fasse son apparition dans la majorité des chaumières. En 1978, déjà, deux économistes américains, Marcus Felson et Joe L. Spaeth, publient un texte intitulé Community Structure and Collaborative Consumption: A routine activity approach décrivant cette pratique comme une activité  d’une ou plusieurs personnes qui consomment des biens ou des services économiques dans un processus qui consiste à se livrer à des activités communes . Bien qu’Internet n’ait pas créé l’économie collaborative, il n’en demeure pas moins que le mouvement lui doit sa popularité grandissante. La relation qu’entretient dorénavant le monde entier grâce au web permet une accentuation du mouvement un peu partout sur la planète. Figure de proue dans le domaine, le site d’enchères web eBay lance en 1995 ce qui constitue l’une des premières plateformes d’économie collaborative dans le monde.

Économie du partage… ou de la frugalité?

Année après année, l’engouement envers l’économie du partage grandit et les chiffres à ce sujet sont éloquents. En 2013, la firme anglaise Pricewaterhouse Coopers évaluait les revenus mondiaux de ce pan de l’économie, tous secteurs confondus, à 15 milliards de dollars. En 2025, elle estime qu’ils passeront à 335 milliards. Mais qu’est-ce que poussent tant les consommateurs à se tourner vers l’économie du partage?

L’impact positif qu’engendre l’économie du partage sur le plan environnemental vient spontanément à l’esprit. Dans une société comme la nôtre où les consommateurs souhaitent de plus en plus acheter de façon responsable, l’économie du partage constitue une manière intéressante de répondre à ce besoin. Plusieurs désirent s’impliquer davantage dans leur propre processus de consommation. De simples consommateurs passifs, ils cherchent à devenir des acteurs engagés en choisissant une manière d’acheter plus en accord avec leurs valeurs. Il ne s’agit toutefois pas de l’attrait principal de l’économie du partage.

Questionné sur le sujet, Alexandre Bigot, connecteur chez OuiShare Montréal, répond sans l’ombre d’une hésitation : « Économiser !» Organisme sans but lucratif encourageant l’économie collaborative, OuiShare a été fondé en 2012 à Paris et œuvre maintenant aux quatre coins de la planète. Les propos de M. Bigot rejoignent ceux de l’Américaine Rachel Botsman, auteure de What’s mine is yours : the rise of collaborative consumption, et expliquent pourquoi la crise financière de 2008 a contribué à l’augmentation du nombre d’adeptes, ceux-ci s’étant soudainement retrouvés avec un pouvoir d’achat plus faible qu’auparavant.

Chez certains, soutient Mme Botsman dans son ouvrage, cette période économique difficile a également entraîné une réflexion quant à la consommation excessive dictée par la société de consommation. Pourquoi acheter un article qui amassera la poussière entre de  trop rares utilisations? Grâce à l’économie du partage, suffit maintenant de l’emprunter au besoin via ce réseau d’entraide économique. L’utilisation devient plus importante que la possession et le portefeuille ne s’en porte que mieux.

M. Bigot, pour sa part, s’interroge sur cette prise de conscience. L’état de l’économie attire les gens vers l’économie du partage, certes. « Ce qu’on ne sait pas , mentionne M. Bigot, c’est si l’argent économisé sert à consommer davantage. » Très pertinente, sa réflexion amène à s’interroger sur la volatilité des adeptes actuels de l’économie du partage. Dans l’éventualité où leur principale motivation est d’ordre économique, qu’arrivera-t-il le jour où leur situation financière sera plus enviable? Conscientiser ses membres sur l’importance pour la planète du geste qu’ils posent en participant à cette économie alternative sera peut-être, au final, l’un des plus grands défis du mouvement au courant des prochaines années.

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